Discours conseil municipal du 10/04/2014 : Débat d’orientations budgétaires 2014
Frédéric Bourdon
À l’heure du remaniement ministériel que nous venons de connaître cette semaine, il ne nous est plus laissé de place à l’espoir, je parle ici de l’espoir de voir revenir l’État sur sa décision de réduire ses dotations aux collectivités territoriales. Nous en subissons donc, à Vitry, directement les conséquences, et c’est pourquoi nous ne pouvons que nous indigner, comme vous, M. le Maire, de cet état de fait et agir chacun à notre façon pour faire reculer les règles du libéralisme qui détruisent l’emploi et la planète.
Il n’est cependant pas question de se résigner, et si le gouvernement a, semble-t-il, comme premier objectif de s’attaquer au déficit public, le nôtre, à l’échelon local, doit être de coller aux plus près des attentes de nos concitoyens.
Nous sortons d’une séquence électorale qui, ça a été dit la semaine dernière lors de l’installation du conseil municipal, a vu gagner l’abstention. Vitry s’est fait remarquer au niveau national, en se positionnant à la troisième place de cette abstention ! L’explication que vous nous avez donnée, relative à la déception d’un électorat de gauche envers la politique du Président de la République ne suffit cependant pas à expliquer ce désaveu des Vitriots pour les élections municipales. Il est sûrement difficile de l’entendre, mais nos concitoyens souhaitent voir leur ville se métamorphoser. C’est ce qui a d’ailleurs amené plus de 3000 d’entre eux à soutenir le projet que nous défendons, à la fois un projet d’espoir mais aussi une vraie alternative.
Les Vitriots veulent voir de grandes ambitions dans les orientations que prendra ce conseil municipal, et cela commence par formaliser de grandes ambitions à l’échelon de notre commune, en articulation avec nos voisins. C’est donc ce dont devrait témoigner les orientations budgétaires 2014 : nous en sommes malheureusement bien loin.
Lors de votre discours, vendredi dernier, vous mettiez l’accent sur quelques enjeux relevant, entre autres, «de la poursuite d’une politique de justice sociale et de solidarité au service de tous les habitants à chaque âge de leur vie ». À titre d’exemple, vous défendiez l’idée que les tarifs des services publics communaux fussent calculés en fonctions des revenus des familles. Pourtant, nous le disons, ce n’est pas juste qu’à Vitry, on paye beaucoup plus cher ces services, que dans les villes voisines. Vitry doit être la ville où les tarifs des services municipaux, des cantines, de l’accueil du matin et du soir, des centres de loisirs, des activités culturelles et sportives sont rendues accessibles aux petits et moyens salaires. (ex : un couple avec deux enfants gagnant 3000 euros est presque au maximum de l’échelle de la tarification de la restauration scolaire ou de l’accueil extra-scolaire, la tarification hebdomadaire est handicapante pour certains parents).
La justice sociale c’est aussi concernant la fiscalité, qu’on n’assomme pas nos concitoyens de taxes toujours plus lourdes. Vous y tenez ! C’est au moins ce dont témoigne votre choix de ne pas augmenter la taxe d’habitation, dans un contexte national d’un impôt en constante augmentation. Comment peut-on dès lors accepter une augmentation annuelle de 5% (et ce sur au moins 5 ans si je ne m’abuse) sur la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères), d’autant que le renforcement de cette taxe tient à couvrir un projet qui se prétend moderne mais qui au final rend une partie de la population et des spécialistes complètement dubitatifs.
En effet, ses avantages, être disponible 24h/24 et limiter des nuisances sonores et olfactives, tout ça pour la modique somme de 32 millions d’euros, n’équilibrent pas ses inconvénients. D’autant plus que ce choix est fait à un moment, où on l’a déjà dit, l’État diminue très fortement ses dotations, ce qui nous oblige à recourir un peu plus à l’emprunt et à accroître notre dette. Avec le même budget d’investissement nous aurions pu répondre à la réalisation d’équipements que la population attend depuis des années, comme une crèche supplémentaire ou un EPHAD.
En dehors du terminal de collecte pneumatique, les opérations financées par les dotations d’équipements pour l’année 2014, semblent pleinement justifiées. La population vitriote a bien sûr besoin d’équipements culturels et sportifs diversifiés et de qualité (la piscine municipale a plus de 40 ans – les quartiers comme celui de Balzac nécessitent des infrastructures sportives de proximité – les modules de skate répondent à un besoin singulier, la bibliothèque ou la maison de la vie associative doivent être des lieux où les publics s’y sentent bien accueillis). Les équipements dévolus à l’accueil de publics de la petite enfance méritent aussi d’être financés, c’est le cas pour au moins trois écoles maternelles et une crèche, pour l’année 2014. Nous faisons le même constat quand il s’agit d’investir pour de nouveaux équipements pour le centre municipal de santé, en l’occurrence avec un mammographe.
D’autres points méritent d’être soulignés. Le premier est la poursuite du soutien à la vie associative. Dans ce domaine, nous pointons la nécessité de transparence pour l’attribution des subventions aux associations et l’importance de suggérer d’autres modes de soutiens que ceux déjà existants, en suscitant auprès des Vitriots un attrait plus grand pour le bénévolat. Enfin, nous tenons aussi à souligner, bien que nous ayons noté une augmentation des crédits, le dévouement du personnel communal qui sait mettre ses compétences au profit de l’intérêt public.
Mais la lecture des orientations budgétaires 2014 ne serait pas complète si nous n’y avions pas appliqué une lecture par défaut. Au moins deux points nous interpellent de par leur absence.
Qu’en est-il de la salle des fêtes ? Un tel projet n’est pas même budgétisé pour une mise à l’étude, alors que vous avancez cette idée depuis déjà deux mandats. Vous disiez encore, vendredi dernier, qu’il n’est pas dans vos habitudes en période électorale de faire des promesses que vous savez, ne pas pouvoir tenir une fois élu.
D’autre part, le nouveau premier ministre vient de confirmer l’application à la prochaine rentrée de la réforme sur les rythmes scolaires et nous n’avons aucune idée de ce que la municipalité compte investir à ce niveau.
Vous l’aurez sûrement compris, nous sommes loin d’être convaincus par les orientations budgétaires 2014 qui nous sont proposées. Après l’avoir dit et écrit pendant plus de six mois, nous rêvons de Vitry en mieux, autrement dit d’un Vitry plus ambitieux.
Nous rêvons d’une ville toujours mobilisée, combative et aussi inventive, contre l’austérité, contre les inégalités sociales, contre les restrictions budgétaires et les recentralisations autoritaires. Une ville attractive et rayonnante qui fasse entendre dans une métropole polycentrique, la voix des banlieues populaires. Une ville accueillante aux 13 000 logements fixés comme objectif par l’État dans le cadre des Grandes Ardoines et l’Opération d’Intérêt National, des logements diversifiés qui accueillent en priorité les mal-logés, les jeunes comme les couples et les familles monoparentales, qui sont des milliers à vivre un véritable cauchemar à Vitry, mais aussi une ville qui pose comme condition à l’État : l’accueil de 2 emplois pour un logement et dont les grands chantiers à venir soient synonymes d’embauches, de qualifications et d’insertion. À ce propos, nous n’avons jamais dit « pas d’emplois, pas de logements », mais nous disons clairement qu’on ne commence pas une négociation en se couchant.
Nous souhaitons aussi une ville qui se libère d’un urbanisme étouffant et des projets de tours de 25 étages.
Nous rêvons d’une ville attractive et rayonnante où le petit commerce ne sera plus négligé et abandonné, où celui-ci sera considéré comme un service au public, permettant de satisfaire des besoins divers et économisant des déplacements et de l’usage de la voiture.
Nous rêvons d’une ville au bord de l’eau avec des guinguettes, des plages aménagées, des croisières pour le repas des anciens, un parc pour pique-niques et barbecues, une salle des fêtes champêtre pour s’y marier, fêter les anniversaires ou accueillir le spectacle d’une association.
Nous rêvons d’une ville exemplaire dans l’écologie urbaine, qui investit dans la citoyenneté pour trier et valoriser les déchets plutôt que dans une pompe à ordures à 32 millions d’euros, nous l’avons déjà dit.
Nous voulons d’une ville où l’on prête une grande attention à la qualité de l’alimentation, notamment avec le bio dans les cantines, comme source de bien-être et de santé, où l’on introduit progressivement la liberté de choix d’un repas avec ou sans viande. Une ville où l’on favorise l’agriculture, comme au parc des Lilas, le jardinage des espaces verts publics, mais aussi au pieds des arbres et pourquoi pas sur des portions de trottoirs.
Nous rêvons d’une ville de la mobilité douce. Finis les pistes cyclables incohérentes : la marche et le vélo doivent être facilités, notamment par des garages à vélos gardiennés avec atelier de réparation dans les nouvelles gares.
Nous rêvons d’une ville où l’habitant n’est plus considéré comme un administré, mais comme un citoyen, et où les élus sont des animateurs de la vie démocratique de la cité. Une ville où le conseil municipal pourra être sollicité par des pétitionnaires, mais surtout des conseils de quartier dotés de budgets.
Voilà donc quelques exemples de ce que nous entendons comme étant une politique ambitieuse pour Vitry. Le débat d’orientations budgétaires 2014 nous semble donc, en comparaison, bien morne. Il témoigne à nos yeux d’une inertie et d’un manque de souffle, dont la ville a pourtant tant besoin.