Contribution à une politique du logement à Vitry sur Seine par Remi GERARD

I- PREAMBULE
La politique de l’habitat de la ville de Vitry doit s’élaborer en prenant en compte
préalablement plusieurs phénomènes :

1- La situation de l’habitat dans la commune
L’habitat de la ville de Vitry est constitué d’environ 33 000 logements.
Sur ce total environ 20 000 appartiennent à des propriétaires privés (61%) ,12 000 (soit 36%) sont occupés par des propriétaires habitants leur logement et 8 000 (24%) sont des logements mis en location dont environ 1 400 sont loués à titre gratuit ou sont des meublés.

Les 13 000 autres logements (soit 39%) sont les logements locatifs sociaux dont plus de
8 000 appartiennent à des bailleurs sociaux directement liés à la commune.
Il convient d’ajouter à ce chiffre environ 1 200 logements en résidences
spécifiques (étudiants, travailleurs immigrés et foyers de personnes âgées)
Par rapport aux chiffres nationaux du logement, la ville dispose d’ un taux de
logements locatifs sociaux familiaux très supérieurs à la moyenne et un taux de
logements locatifs privés équivalent à la moyenne nationale.

Cette situation très particulière permet de disposer d’un poids sur les politiques
du logement plus important, que dans de nombreuses autres communes

2- Les besoins des habitants

Malgré le poids du logement locatif notamment à usage social, le nombre de
demandeurs de logements dans la commune n’a cessé de progresser (plus de
6 000) et cela nonobstant la construction et la mise en service de nombreux
logements sociaux dans la commune.

Plusieurs phénomènes expliquent cette situation :
– des éléments sociétaux : le vieillissement de la population et l’explosion du
– Des éléments de rénovation urbaine :
taux de divorce entraine mécaniquement un besoin en logement toujours plus
important et pas seulement sur les petits logements. En effet les couples
divorcés veulent pouvoir accueillir leurs enfants et loger convenablement
ceux de leur éventuelle nouvelle union. D’autre part les personnes âgées ne
souhaitent pas déménager pour prendre un logement plus petit de peur de
perdre leurs repères sociaux et environnementaux. De plus, si on leur attribue
un logement plus petit dans un programme neuf il sera souvent plus cher et
plus petit que l’appartement ancien qu’ils occupent.

La réhabilitation indispensable engagée sur la cité Balzac (opération ANRU de
démolition reconstruction même si le solde de logements in fine est positif),
entraine de fait un besoin de logements que le programme satisfait sur
l’opération mais qui freine les priorités sur les autres opérations.

3- Les grands projets structurants de la commune

Les deux grandes ZAC (gare centre et Ardoines) ajoutées à celle de Chérioux et à
la restructuration du boulevard Stalingrad vont bousculer considérablement,
dans un délai relativement rapide, l’architecture des pôles de centralité de la commune.

Ces opérations vont amener la création de nombreux logements mais aussi des
emplois tertiaires qui vont modifier considérablement, à terme, la sociologie de la ville.

4- L’inscription de la commune dans une communauté d’agglomération

La constitution d’une communauté d’agglomération Ivry,Choisy,Vitry, doit
entrainer une réflexion commune sur l’ensemble de ce territoire et l’engagement
sur Ivry de l’opération Ivry confluences va avoir de nombreuses répercussions
sur l’évolution de Vitry, la nature des programmes et l’intérêt des investisseurs et
des promoteurs. Des négociations immédiates doivent être engagées dans
l’intérêt de l’ensemble de ce secteur et des villes concernées.

Par ailleurs cette communauté d’agglomération est le cœur de l’Opération
d’Intérêt National dénommée SEINE AMONT. Cette opération est le plus gros
projet d’aménagement de l’Ile de France à ce jour

5- La situation de la commune dans l’agglomération parisienne
L’ile de France est en soi un pôle d’attractivité aussi bien des richesses que des
pauvretés. Le projet gouvernemental visant à la création d’une agglomération du
grand Paris en supprimant les agglomérations de la petite couronne et peut être
les Conseils Généraux est un enjeu capital.

Trop proche de Paris et des évolutions du secteur de la Grande Bibliothèque pour
ignorer les enjeux du cœur de la Métropole la ville de Vitry doit dès aujourd’hui
jouer un rôle majeur dans ces discussions et peser sur les évolutions institutionnelles et structurelles qui auront des conséquences primordiales sur les conditions de vie de nos concitoyens.

Une politique du logement à l’aune de la commune doit en permanence avoir ces

réflexions en arrières pensées et s’engager de façon très forte dans le débat, voire
en être un élément structurant.
Habitat /Emploi/Solidarité les trois mots qui déterminent la politique à venir

II- CONDUIRE UNE POLITIQUE DE L’HABITAT

Première considération :

La politique de l’habitat doit être au cœur du programme électoral.
Il s’agit en effet d’un produit de première nécessité pour les familles et les ménages et doit s’articuler avec les politiques de l’aménagement du territoire communal et intercommunal mais également avec les politiques de solidarité développées par la collectivité mais surtout par le conseil général et les politiques urbaines et environnementales.

Trop souvent ces questions sont traitées séparément
La politique de l’habitat doit être une politique de solidarité

Deuxième considération :

La politique de l’habitat doit apporter réponse à l’ensemble des personnes présentes sur le territoire communal. Il est nécessaire que les situations de logements précaires, de logements indignes, de bidonvilles, d’hébergement et de précarité énergétique puissent
être prises en compte et pas seulement défaussée sur les autres responsables à quelques échelons qu’ils soient. Si, bien évidemment, ces questions ne sont pas de la seule responsabilité de la commune, celle-ci doit s’en saisir en vue de trouver les solutions humaines et dignes pour tous.

Troisième considération :

La politique de l’habitat doit développer une offre nouvelle
véritablement accessible. Les dispositifs de production de logement social entraine un coût de loyer qui reste peu supportable pour de nombreux ménages. Le coût du foncier, les normes techniques ne sont pas compensées par les aides au logement qui voient chaque jour leur effet solvabilisateur diminuer.

Il est nécessaire de produire plus de logements à loyer très social (PLAI) afin de faciliter l’accès de tous au logement social. Il convient d’engager un dialogue ouvert avec les services de l’Etat en charge des politiques structurantes et ayant la disposition des budgets aides à la pierre afin de trouver les équilibres indispensables entre les habitants de Vitry et ceux qui y arrivent au gré des opérations de promotion ou des espaces libres permettant les installations précaires.

Les orientations de programmation sur l’avenir de la Région Parisienne
mettent Vitry comme secteur d’évolution importante et rapide de la population. Il conviendra de trouver les bonnes articulations avec les implantations économiques afin qu’il y ait adéquation entre emplois et logements et non ville de transit entre ceux qui partent travailler ailleurs et ceux qui viennent y travailler et qui habitent ailleurs

Quatrième considération :

La politique de l’habitat doit agir sur la totalité du parc de logements et
notamment sur le parc existant.

– Le parc des pavillons :
Principalement occupé par leurs propriétaires ce parc présente une très forte
diversité dont l’évolution n’est pas toujours facile à soutenir tant du fait des
règles d’urbanisme que de la qualité des constructions que des ressources
souvent modestes de leurs occupants.

On pourrait concevoir une action concertée sur ce parc visant trois objectifs :

– Faciliter la densification des parcelles pour tenir compte de l’évolution des
familles (pouvoir communal)

– Aider à l’adaptation des maisons pour permettre de prendre en compte le
vieillissement des personnes et leur permettre de rester le plus longtemps
possible chez elles (actions à négocier avec le conseil général – APA/MDPH)

– Engager un grand programme de lutte contre la précarité énergétique qui
doit permettre aux propriétaires occupants de condition modeste de vivre
plus confortablement et d’améliorer leur niveau de vie en baissant leurs
charges d’énergie. Pour cela il faut mettre à dispositions des ménages un
conseil indépendant, neutre et qui prenne en compte non seulement les KWH
économisés mais également apprennent aux personnes à utiliser au mieux les
dispositifs d’économie qui seraient installés (actions à mettre en place avec
l’Anah et le conseil général). On transformerait le fonds d’aide aux impayés
énergétique en fonds d’aide pour prévenir les impayés)

– le parc des copropriétés :

Ce parc fort méconnu et dont tous les acteurs informés considèrent qu’il s’agit
d’un risque majeur pour un certain nombre d’immeubles tant pour leurs occupants ou pour leurs propriétaires doit faire l’objet d’un diagnostic approfondi pour apprécier les actions qui devraient, le cas échéant, y être conduites.

Il serait étonnant que étant donnés les problèmes franciliens connus à ce jour
dans ce type de parc que la situation de Vitry soit totalement préservée. Ce que l’on sait de façon certaine, c’est que le traitement des risques le plus en amont possible est la condition d’une résolution des problèmes.

– Le parc des bailleurs privés :

En dehors des questions relatives à la mise en œuvre du confort, plus fréquemment au respect de la décence, voir des questions du traitement de l’insalubrité problèmes auxquels peuvent s’ajouter parfois les questions du saturnisme infantile et beaucoup plus rarement des questions de l’amiante, il convient de favoriser une politique de partenariats avec les bailleurs privés sur trois sujets :

– La possibilité de conclure des partenariats avec des bailleurs privés
permettant à la commune de présenter des demandeurs de logements, voire
de prendre en gestion leur logement avec une agence immobilière à vocation
sociale

– Développer un système de prévention des impayés de loyers et des difficultés locatives.

– Développer des conventions de maitrise de loyers assorties de contreparties.

Cinquième considération

La politique de l’habitat doit construire et optimiser des partenariats efficaces
A ce jour 22 opérateurs HLM ont du patrimoine social sur la ville. Plus de 58% de ce parc est directement dans la sphère municipale et si l’on y ajoute Valophis Habitat (l’ancien OPAC du Val de Marne) gouverné par le Conseil Général il s’agit de plus de 71% des logements ou résidences sociales qui sont directement liés aux pouvoirs politiques locaux.

Il s’agit là d’une opportunité auxquels les élus doivent donner une plissions claire pour faire levier tant sur les politiques de production que sur les politiques de solidarité. La technostructure de ces organismes doit être pilotée par les élus de façon claire qu’il s’agisse de la teneur de la production, la politique de maintenance, la politique de peuplement et de traitement des situations des locataires en difficulté.

On peut s’interroger également s’il n’y a pas lieu d’engager des discussions
pour disposer d’un ou deux outils intercommunaux qui seraient plus puissant
et permettraient de mettre en œuvre des politiques fortes sur le territoire intercommunal.

Par ailleurs avoir autant de bailleurs ne facilite pas les partenariats et la cohérence des politiques de peuplement. Il serait surement opportun d’examiner s’il n’y a pas lieu de racheter une partie de ce parc.En dehors des acteurs HLM, des acteurs associatifs agrès au titre de la maitrise d’ouvrage d’insertion, conduisent des opérations de production de
logements d’insertion en visant l’accès au logement de population ayant des difficultés particulières à intégrer le parc social classique. Un partenariat avec l’une ou l’autre de ces structures pourrait permettre d’apporter des solutions que l’on n’arrive pas à trouver par ailleurs.

Sixième considération :

La politique de l’habitat doit faciliter les réponses habitats et les adapter aux besoins et aux envies des habitants. Les besoins habitats des ménages qui habitent Vitry ou qui viennent y habiter auront au cours de leur vie des besoins différents auxquels il convient de leur faciliter la réponse. En tout état de cause le parc HLM n’est pas la réponse
universelle. Les jeunes en autonomie familiale, les jeunes couples, les situations de rupture familiales, les envies de sécurisation par l’accession à la propriété, le vieillissement, le handicap éventuel, les situations d’horaires de travail particuliers etc. nécessitent que la collectivité locale puisse disposer d’une palette de possibilités d’action et de moyens diversifiés. Ces moyens elle peut en être maitre directement, mais elle doit en tout état de cause construire des partenariats permettant de disposer d’une palette large de possibilités.

La construction de cette palette doit être un objectif de court moyen terme
afin de disposer de tous les atouts possibles.

Septième considération :

La politique de l’habitat doit faire des habitants les acteurs de la vie de leur quartier
Traiter de la question du logement nécessite transparence, dialogue, pédagogie.
Devant un sujet que les politiques ou les techniciens considèrent comme très technique, au financement complexe et aux normes incompréhensibles, il est indispensable que les habitants actuels et futurs puissent comprendre de quoi on parle, des questions qui se posent. Trop souvent ces questions sont abordées de façon à être totalement
incompréhensible et réservés à des experts.
Il convient donc qu’à l’échelle des quartiers, et pour démultiplier la participation active et ouverte des habitants, de débattre des questions de logements en terme de besoins, des projets qui peuvent se faire jour, des questions relatives à l’amélioration ou à la maintenance de l’environnement de proximité, des questions de stationnement etc.

C’est également à cette échelle que peut se constituer des groupes d’habitants
visant à développer des opérations d’auto construction, d’habitat autogérés,
d’auto réhabilitation accompagnée. Les habitants d’un quartier sont également les plus à même pour apprécier les services de proximité, les manques, les besoins correctement satisfaits.  Ces questions concernent aussi bien les services de santé et du para médical
que les ouvertures des magasins, les solitudes repérées…

Acteurs de leur quartier, les habitants seront ainsi plus à même également d’être plus acteurs de leur ville

En guise de première conclusion :

La maitrise collective de l’avenir de la ville par ses habitants, l’amélioration de leur vie quotidienne passe par un dialogue permanent qu’il faut libérer de la gangue de la technicité.
Toute personne, toute famille sait ce qu’elle voudrait en terme d’habitat et d’environnement quotidien et sait l’exprimer en fonction de sa situation personnelle, de ses moyens et de l’avenir dans lequel elle se projette.
Faire s’exprimer les habitants sur leurs besoins en habitat et pour leur environnement de proximité est toujours, par ailleurs, économe des deniers publics et souvent très pertinents techniquement.

Dans le grand Paris de demain qui se prépare, il convient de préparer les

Vitriotes et les Vitriots à être des acteurs reconnus de leur avenir.

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